Patrice Dumont: Ligue des Champions / Plus beau, tu meurs

En Ligue des Champions, le FC Barcelone a battu hier après-midi l’Inter de Milan par 2 buts à 0, assurant du coup sa qualification. Plus que par le score, déjà assez convaincant, le FC Barcelone a une fois de plus élevé son jeu à la hauteur d’une philosophie de l’esthétique.

Il a fallu attendre la 15e minute de cette rencontre ultra importante pour voir Dani Alves consentir au premier geste de déconstruction de Barcelone, le fameux expédient défensif connu sous le nom de dégagement.
Dès la touche initiale, il parut évident que les Barcelonais avaient piqué sur leur habit, déjà en temps ordinaire tout en lumière, une multitude de pierres précieuses qui pâlirent presque les puissants projecteurs du Camp Nou. Le ballon glissait d’un pied à un autre au nez et à la barbe d’Intéristes qui ont pourtant pour noms Chivu, Lucio, Zanetti, Maicon, Stankovic, sans oublier le pauvre Eto’o passé, on le sait, dans le mauvais camp à l’inter-saison, Milito, eux tous parmi les premiers couteaux du continent, par ailleurs dominateurs depuis un lustre du championnat d’Italie.
En grands garçons, et surtout en l’absence de Messi, leur détonateur, leader de jeu, ils avaient à cœur d’effacer de leur mémoire et surtout de celle de leur heureux public le tristounet et laborieux match nul arraché samedi soir en Liga à San Mames, la cathédrale de Bilbao. Les lutins du milieu de terrain, Xavi et Iniesta, furent les véritables directeurs d’une œuvre collective titrée et sous-titrée « De l’esthétique, le football en tant qu’illustration du sublime ». Tous les autres, Alves, Puyol, Piqué, Abidal, Keita, Busquets, le très jeune Pedro, Henry, ont produit des réflexions de haute portée qui, traduites en langage footballistique strict, s’intituleraient : l’art de la réception et de la transmission courte (Xavi, Iniesta, Busquets), l’occupation des intervalles (Iniesta, Henry) le changement de rythme (Iniesta, Alves, Piqué), l’occupation maximale de l’espace (Alves), la sobriété défensive (Abidal, Piqué, Puyol), la sûreté de mains (Valdez), le pressing collectif (le bloc équipe), le pressing individuel (Henry), le renversement de jeu (Keita) le dribble approprié (Iniesta, Pedro Alves, Henry), le une-deux (eux tous).
Et comme la futilité de l’esthétique n’est jamais prouvée, Xavi au corner, Henry à la déviation au premier poteau, Piqué à la conclusion au second, réalisèrent le premier but à eux trois alors qu’on jouait la 10e minute.
Sous l’effet dangereusement capiteux de tant de fastes, les Intéristes eurent le tournis quand Iniesta préféra fixer la défense centrale de l’Inter, refusa l’ouverture sur Alves et s’appuya dans l’axe sur Henry dont l’ouverture permit à Alves de démontrer l’art du centre au cordeau alors qu’à la réception, Pedro, du plat du pied gauche, appliqua la théorie brésilienne bien connue de placer sa reprise sur centre dans la direction opposée au replacement du gardien : Julio Cesar eut le vertigo (2-0, 26e ).
Les entrées de Muntari et Balotelli en 2e mi-temps, une meilleure tenue d’ensemble des Intéristes, en tout cas moins pathétiques, n’auront été qu’anecdotiques, au contraire de la moisson de maillots blaugrana d’Eto’o recueillis de ses anciens partenaires, signes d’une amitié et d’un respect coulés dans le bronze d’un club Mès que un club où la beauté du jeu est élevée au niveau d’un culte. Le grand recteur de cette université de la beauté s’appelle Josep Guardiola.

Par Patrice Dumont

Le Matin

par Haititempo Posté dans Sport